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Les compétences d’un bibliothécaire

InformatiquePlusHumain
Les compétence informatiques s’ajoutent aux autres compétences. Elles ne s’y substituent pas

Depuis toujours, je milite pour ajouter les compétences informatiques à la panoplie du bibliothécaire. Ce qui suit est extrait d’une offre d’emploi que j’avais reprise dans un billet lors de sa diffusion, intitulé Les compétences informatiques d’un bibliothécaire. Allez, aujourd’hui je peux le dire, elle a été rédigée pour la BU d’Angers :

Compétences techniques / Connaissance et maîtrise

  • d’un environnement LAMP
  • des trois principaux OS
  • des principaux CMS (installation, fonctionnement, customisation)
  • des outils de type SIGB
  • des outils libres les plus courants

Compétences informationnelles

  • Présence active sur Internet – blog ou site personnel
  • Présence active sur les réseaux sociaux – fb, twitter, linkedin…
  • Pratique d’une veille autour des problématiques en info-doc.

Pour postuler à cette offre

  • CV (adresse de blog et flux de veille inclus) et lettre de motivation

Quand je pense que mes collègues de l’époque ne maîtrisaient pas tous l’email, il y avait de quoi se montrer pressant. Mais j’ai toujours milité pour ajouter l’informatique aux compétences, pas pour limiter les compétences à l’informatique. Or un billet récent de Bertrand Calenge laisse percevoir que certains parmi la jeune génération ont atteint cet extrême :

Une jeune collègue, même pas encore fraîche (é)moulue de ses études, m’affirme tout de go qu’une absolue priorité s’imposera à elle dans les recrutements qu’elle aura à opérer : un(e) bibliothécaire, me dit-elle, ne saurait aujourd’hui exercer son métier sans savoir jongler avec les codes-sources, les mash-up et autres API :
–  « Sans être exclusivement affecté à un service dédié au développement (faute d’ingénieur ad hoc) ?  » , lui demandé-je
–  « Évidemment ! C’est le B.A. BA d’un métier en plein renouvellement ! »

Oui, le métier est en plein renouvellement (ça fait 15 ans que j’entends ça!), pour autant, ce n’est pas parce que des compétences nouvelles sont requises que les fondamentaux ne restent pas les mêmes. Je suis d’accord avec Bertrand quand il rappelle que la profession, en quête de légitimité, tend parfois à se cacher derrière la technique. J’ai déjà raillé le catalogage à la jésuite qui, s’il se justifie à la BNF, n’est d’aucune utilité en modeste bibliothèque rurbaine. Mais les techniques se succèdent : il y a encore des endroits où la maîtrise de la reliure est considérée comme indispensable tandis que l’informatique extra-SIGB est vue comme superflue. API, pipes et mash-up ne sont qu’un moment de l’histoire, d’autres techniques les remplaceront. Se cacher derrière elles comme derrière le catalogage jadis, c’est s’exposer à son tour à la sclérose. Françoise Hecquard, dans les commentaires le résume ainsi :

Les compétences techniques ne peuvent être que contextuelles et donc transitoires. […] Moi, la seule chose vraiment fondamentale que je cherche chez un(e) candidat(e) au recrutement c’est sa capacité à se remettre en question et à en poser (des questions)

Ce qui rejoint ma maxime :

Rester compétent en se posant toujours les bonnes questions plutôt qu’être compétent à un moment donné avec les bonnes réponses, vite périmées.

Quand les mutations se passent décidément trop rapidement pour qu’on puisse tout comprendre

Elle poursuit :

Et puis, je regarde s’il(elle) sait sourire aussi, oui. Et, s’il(elle) sait parler de son métier avec intérêt (et même passion, c’est mieux). Les codes et autres langages informatiques, ce n’est pas ça qui permet de répondre avec empathie à un lecteur un peu perdu dans le catalogue informatisé, de se mettre à la place d’un partenaire ou de donner un coup de main à un collègue débordé.

Là encore tout à fait d’accord. Moi même, j’aime la position de liaison, de médiateur. J’aime acquérir de nouvelles connaissances, et j’aime les transmettre à d’autres personnes. J’ai autant de plaisir à échanger sur les musiques traditionnelles, la BD ou l’histoire des sciences avec un lecteur, qu’à expliquer Internet à un néophyte. Je suis également attaché à la notion de culture accessible à tous. Quand à parler avec passion de mon métier, c’est l’objet même de ce blog!

Enfin elle conclut :

Ensuite, quand ces jeunes prennent vraiment un poste d’encadrant, ils s’aperçoivent que toutes ces belles notions techniques ne les aident pas à dynamiser leur équipe, à monter des projets motivants, à dialoguer avec leur hiérarchie ou à comprendre les besoins de leurs lecteurs.

Certes, mais j’ajouterais que Deleuze ou « Romantisme et politique » ne les y aideront pas plus :

Pendant ce temps-là, dans le pays merveilleux des bibliothèques : «Romantisme et politique». Tel est le sujet du concours externe de conservateur de bibliothèques 2011. Pourquoi pas un petit sujet sur la DNA polymérase tant qu’on y est? C’est tout autant à côté de la plaque pour les bibliothèques, mais on aurait moins la sensation d’une ségrégation : pour les épreuves de langues étrangères, il faut en connaître deux à l’oral, sauf le latin et le grec ancien dont les épreuves sont écrites. Autant dire que les profils scientifiques sont exclus de fait.  Les conservateurs ne sont-ils pas des cadres A censés piloter les bibliothèques, les équipes, les outils, pour paraphraser Daniel Bourrion? Quel rapport avec le Romantisme? Quand D. Bourrion parle d’endogamie, c’est un euphémisme. Mais c’est normal, les concours de la filière culturelle conçoivent encore le bibliothécaire, pardon, le conservateur (le terme n’est pas anodin!) comme un érudit local passionné de paléographie. C’est totalement adapté pour s’occuper de la section STAPS de la BU! Qu’on s’étonne alors que des administratifs soient nommés à la tête de certaines bibliothèques municipales, comme à Toulouse.

De plus, je suis globalement d’accord avec le commentaire de Bernard Majour concernant l’utilisation de tel ou tel outil : quand, pour qui et pour quoi faire. Mais j’ai aussi une nuance à lui soumettre : le macramé n’est pas un outil de médiation mais un sujet de conversation avec certains lecteurs (et éventuellement un numéro dans la Dewey ou un thème d’animation), au même titre que la DNA polymérase ou romantisme et politique. En revanche, quand Bernard Strainchamp a monté mauvais genres, un véritable outil de médiation autour du roman policier, il n’a pas été suivi par sa hiérarchie, parce qu’en 2005, parler de sites collaboratifs à un bibliothécaire, c’était lui parler martien :

« Parce que Bernard Strainchamp cesse son activité professionnelle, le site Mauvais genre va s’arrêter. Il faut avant tout remercier Bernard Strainchamp pour tout le travail sur le roman policier. Ce site collaboratif nous était d’une grande aide… Voici un extrait de son dernier message sur la liste biblio-fr : »[…],je tiens à remercier Sara Aubry et Hervé le Crosnier d’avoir permis de rendre visible cette expérience dans les bibliothèques et plus généralement sur Internet. A l’heure où Google déclare vouloir numériser le patrimoine, Mauvais genres est un modeste exemple de ce que peuvent faire les bibliothécaires sur Internet. […] Que cette expérience repose sur le bénévolat et le financement d’une seule personne n’est plus raisonnable ! Depuis la création, j’ai essayé de pérenniser Mauvais genres, mais en vain. Je me rappelle avoir été reçu il y a quatre ans par le directeur du livre qui m’a proposé alors… de passer les concours. Ce qui m’a conduit à développer Mauvais genres dans la marge. Mais c’est cette liberté qui a permis un tel foisonnement ! Rappel. Je ferme Mauvais genres fin juin sauf si j’ai des propositions concrètes de reprises. »
[http://www.mauvaisgenres.com/ renvoie maintenant vers un outils de photos géolocalisées – NDLA]

Le pour qui et le pour quoi faire étaient pris en compte. C’est le quand qui a manqué : les lecteurs étaient prêts, c’est la hiérarchie qui ne l’était pas. Quelques années plus tard, Grenoble a généralisé le concept avec un blog par section : la profession avait évolué. Aujourd’hui, nombreuses sont les bibliothèques qui ont investi les blogs, Facebook, Twitter, Netvibes, etc… sans que cela nécessite un ingénieur informaticien à demeure.

Nombreuses sont aussi celles qui n’ont toujours aucune présence en ligne, pas même leur catalogue, et qui ne communiquent avec leurs lecteurs et leurs partenaires que par courrier papier parce que le mail ne fait pas assez officiel. Je vous jure que ça existe encore! Pour ces dernières, il est temps qu’un(e) ayatollah des mash-up vienne les réveiller.

Le mashup ou application composite ne concerne pas que l’informatique, mais aussi la photo, la musique et la vidéo.

Par ailleurs, j’en connais une autre, dans une commune de 8500 habitants, dont la borne Wifi est en panne depuis… plus d’un an. On en revient aux compétences autres que techniques : pourquoi la directrice de cette BM ne secoue-t-elle pas les puces de l’informaticien municipal qui est soit un incompétent, soi se paye la tête de la bibliothèque? Peut-être parce qu’elle considère le wifi comme superflu pour ses lecteurs. Mais là je suis mauvaise langue.

…Il y a encore des bibliothèques qui leur refusent le Wifi.
Quand les bibliothèques en pointe proposent des pirate box à leurs usagers…
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3 commentaires sur “Les compétences d’un bibliothécaire”

  1. Petite précision : en l’espèce, il s’agissait d’un recrutement sur un mission particulière, spécifique Bibnum : les compétences nécessaires (listées dans l’annonce) étaient essentielles et suffisantes, en bref, limitatives (même si la personne recrutée à l’époque avait par ailleurs toutes les compétences qu’un/e bib doit avoir)

  2. Concernant les exemples de compétences informatiques évoquée au debut de ce billet, j’ai complété le billet de 2011 où je les ai citées en premier { http://www.infodocbib.net/2011/01/732/ } grâce aux éléments que tu y donnes dans ton commentaire { http://www.infodocbib.net/2011/01/732/#comment-601 } : [maj du 2012 12 30 : Le produit fini ] C’est vrai que c’est sur ton blog que j’avais trouvé l’annonce, tu étais le mieux placé pour en parler.

    Dans ton présent commentaire (billet de 2012), tu sembles te justifier concernant l’idée qu’il s’agit d’ajouter l’informatique aux compétences, et pas limiter les compétences à l’informatique (la personne recrutée à l’époque avait par ailleurs toutes les compétences qu’un/e bib doit avoir) et celle que les techniques se succèdent et qu’il ne faut pas se cacher derrière elles (les compétences nécessaires (listées dans l’annonce) étaient essentielles et suffisantes, en bref, limitatives). C’est bien comme cela que j’avais perçu l’annonce à l’époque.

    Je m’en suis servi comme exemple représentatif pour répondre à la question d’un interlocuteur qui ne comprenait pas ce qu’un bibliothécaire peut faire avec l’informatique. Ou pour le dire autrement, en quoi l’informatique peut être un outil de médiation culturelle au delà de l’accueil de jeune à l’EPN (j’ai précisé les les circonstances dans ma réponse à ton commentaire (billet de 2011)).

    D’ailleurs, je ne cite qu’un extrait de l’annonce, dont je ne donnais l’accès au contenu complet que par un lien. Néanmoins, les compétences énumérées, en particulier informationnelles (présence active sur Internet et sur les réseaux sociaux…), mais aussi la connaissance des logiciels libres, pour autant qu’elles aient un caractère informatique, me semblent bien plus importantes et plus appelées à s’inscrire dans la durée que la capacité à réaliser des mash-up élaborés. Si les techniques sont passagères, certaines sont nécessaires plus longtemps que d’autres, ne serait-ce que pour rester en phase avec les publics servis.

    En tout cas, cet écho entre mon billet vieux de près de deux ans et le présent article montre que j’ai bien fait de répliquer les archives de mon blog lors de son déménagement.

  3. Retour de ping : Veille numérique | Pearltrees

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